Je vous recommande l'analyse remarquable par Benjamin PELLETIER, "Pourquoi l'anglais n'est pas notre tasse de thé?" Dans Gestion des Risques Interculturels
Voici quelques extraits:
Le TOEFL (Test of English as a Foreign Language) est un test d’anglais qui existe depuis 1964. Il permet notamment d’accéder aux universités anglaises, canadiennes et américaines. Il est également de plus en plus utilisé par les entreprises pour évaluer le niveau d’anglais des candidats au recrutement.
Standardisé et populaire, ce test donne chaque année une bonne idée du niveau d’anglais dans les pays non-anglophones. L’équipe du TOEFL publie ainsi un rapport annuel établissant un comparatif entre les pays. La France, on le sait, se classe parmi les mauvais élèves, et ce depuis que le test existe.
Le rapport 2008 ne fait pas exception à la règle. La France se situe à la 69e place sur un total de 109 pays analysés. Elle est 25e dans la liste des 43 pays européens pris en compte. Le score obtenu par la France la place sur le même plan que la Bulgarie, la Biélorussie et la Lettonie. Vous pouvez télécharger ce rapport en suivant ce lien (pdf).
Ces résultats ne sont malheureusement pas surprenants. Régulièrement, des articles font état de la situation préoccupante de la place de l’anglais en France dans un contexte de circulation des étudiants et des travailleurs à l’étranger. En revanche, on souligne moins qu’elle a des conséquences très négatives sur l’image de la France auprès des touristes qui la visite mais aussi sur les étrangers qui viennent travailler en France. Leur bonne intégration au sein d’équipes françaises suppose une communication décomplexée avec eux.
Or, c’est rarement le cas. Quand ces travailleurs expatriés en France parviennent à maîtriser l’oral au niveau professionnel, ils sont confrontés à la difficulté de produire quantité de documents écrits en français. Mais, sur ces deux aspects, oral et écrit, ils se sentent souvent désemparés face à des collègues faisant peu ou pas d’efforts pour adapter leur niveau de langue.
Plus grave, un phénomène pervers d’exclusion plus ou moins discrète s’opère dans la mesure où une utilisation approximative de la langue signifie implicitement chez les Français une déficience intellectuelle, voire une incompétence professionnelle, et dans tous les cas une infériorité individuelle. La maîtrise de la langue se charge en effet en France d’un puissant jugement de valeur culturel.
Ces éléments sont bien connus. Mais justement, malgré les analyses, les articles, les débats, les nombreux livres sur ce sujet, la situation de l’anglais en France n’évolue pas.
L’ampleur du problème de l’anglais chez les Français apparaît nettement dans une étude très fournie menée en 2002-2003 par l’Union Européenne dans huit pays : Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Pays-Bas, Suède, Norvège. L’intégralité de l’étude est téléchargeable ici(pdf). La population cible concerne les élèves en dernière année de collège.
L’étude ne manque pas de s’interroger sur ces résultats singulièrement mauvais des Français. Je vous traduis le passage en question en le segmentant :
(1) « Il semblerait que, pour les professeurs français, ce qui vient en premier dans l’apprentissage d’une langue reste la correction grammaticale. C’est pourquoi la représentation qui est donnée d’une langue n’est pas propice à la communication. Les professeurs développent un désir intense de perfection qui entrave les élèves. Ainsi, il est nécessaire en France, pour les professeurs tout comme les élèves, d’avoir une parfaite maîtrise de la grammaire afin de rassembler son courage pour parler, pour s’exprimer soi-même. »
Une étude comparative sur plusieurs pays à propos de l’anglais permet de faire ressortir nos particularismes en matière d’enseignement des langues, français compris. Et il apparaît que nous enseignons l’anglais comme le français : en considérant la langue avant tout en tant que système à analyser, donc en tant qu’objet intellectuel à comprendre et à assimiler...
Cette valeur cognitive prime sur la dimension de communication. Or, là où la compréhension grammaticale est un exercice individuel mettant chacun à l’épreuve de ses propres facultés intellectuelles, la communication est un exercice interindividuel mettant l’accent sur les interactions au sein d’un groupe. Cette spécificité française s’exprime déjà dans l’approche pédagogique de la petite enfance. Je vous renvoie à la vidéo de l’article Construire une société de confiance où à la 17e minute Yann Algan pointe une différence fondamentale dans l’approche de la scolarisation de la petite enfance entre la France et les pays nordiques: tandis que la première développe les capacitéscognitives des petits enfants, les seconds développent les capacités coopératives entre enfants.
(2) « De plus, les élèves français ne possèdent pas un large éventail de connaissances lexicales. Le fait qu’ils soient constamment corrigés par les professeurs mène à une utilisation excessive du français pendant le cours d’anglais : les professeurs donnent des explications en français et les élèves répondent de même pour montrer qu’ils ont compris un message oral ou écrit. Les professeurs recherchent la « perfection » dans le message. »...
Prestigieuse et universelle, la langue française cimente l’identité nationale. Par contraste, une langue étrangère, l’anglais par exemple – mais on pourrait dire de même d’une langue régionale – se voit dotée d’un prestige moindre et est perçue comme une menace pour cette identité. La langue française reçoit alors une dimension politique en tant qu’élément d’unification du peuple en nation. Or, ce n’est pas le cas partout. Dans les pays où coexistent plusieurs langues officielles, le rapport à l’anglais est moins complexé qu’en France. En Suisse par exemple.
Voyez ainsi ce témoignage d’un Irlandais venu enseigner l’anglais en France après l’avoir enseigné en Suisse : « Quand j’ai commencé à enseigner à Paris, j’ai été déconcerté par les déficiences linguistiques aiguës de mes élèves. J’arrivais de Suisse, où les élèves parlent le même français, mais ne rencontrent absolument pas les mêmes problèmes pour apprendre l’anglais. »
Si les résultats des élèves français sont aussi mauvais en anglais, à qui la faute ? Une position polémique consisterait à dire qu’il n’y a fondamentalement pas de mauvais élèves mais de mauvais professeurs. Précisons : les professeurs ne sont fondamentalement pas mauvais, ce sont les critères de recrutement qui ne sont pas peut-être pas les bons…
Pour lire l'article complet cliquer ici.